La XIXe Journée de l'IPCEM
15 Janvier 2015
Quelle ETP pour le patient pluripathologique ?
« Dans un contexte où l’autonomie des patients face à leurs pathologies et vis-à-vis du système de soins se conçoit comme une nécessité croissante, la polypathologie chronique est un défi. Si de récents travaux tentent de formaliser des interventions complexes, intégrant des programmes à l’autogestion force est de reconnaître que la plupart des programmes « de self-management support » ou d’éducation thérapeutique du patient sont conçus en fonction d’une seule pathologie. Il n’existe actuellement pas de modèle didactique opératoire pour l’éducation thérapeutique des personnes atteintes de plusieurs pathologies chroniques, cette éducation ne pouvant résulter de la somme des différents programmes « monopathologie » existants. On sait, par exemple, comment éduquer un patient diabétique, un patient bronchitique, un patient hypertendu mais on ne sait pas comment éduquer concrètement un patient atteint de ces trois maladies. La difficulté que l’on rencontre consiste à identifier dans l’ensemble des apprentissages que le patient doit maîtriser les priorités éducatives à privilégier en fonction des différentes pathologies de la personne et à réaliser le montage correspondant des séquences d’éducation. Au-delà des compétences mobilisables directement par le patient, le système de soins auquel il est confronté ne sait pas plus lui proposer de solution tenant compte de sa polypathologie ».
Devant ce constat, la XIXème journée de l’IPCEM sera l’occasion de croiser analyses, témoignages et expériences afin de déterminer des pistes de recherche, de développement et de formation pour une éducation thérapeutique adaptée aux personnes concernées par cette situation.
Ouverture de la journée
Penser la nouveauté : Face aux pluri pathologies du système de soin, pour un patient éducateur ou la révolution ignacienne
Patrick Berry - Les Moutiers-en-Retz
Télécharger l'intervention (PDF)Thème 1
Pluripathologie et éducation thérapeutique du patient : analyse de la littérature internationale
Pluri, poly, multi-pathologie : différents concepts pour dépasser la comorbidité ?
Dr Thomas Lefèvre - Bondy
La double transition démographique et épidémiologique s’est accompagnée d’une reconnaissance croissante de la pathologie chronique. Le système de santé s’est majoritairement organisé en considérant les pathologies séparément les unes des autres. Le concept de comorbidité a permis de considérer une pathologie index et des pathologies satellites - les comorbidités. Néanmoins, depuis une vingtaine d’années, il a été établi que la réalité serait plutôt celle de personnes atteintes non pas d’une, mais de plusieurs pathologies chroniques. Il s’agirait alors de considérer la simultanéité de ces conditions chez une même personne, donc de parler de polypathologie chronique. Pourtant, il n’existe à ce jour aucun consensus définissant la polypathologie chronique. Quel socle alors retenir pour fonder une éducation thérapeutique de la personne polypathologique chronique ?
Regarder l'interventionÉducation thérapeutique pour les patients atteints de pluripathologies : revue de la littérature récente
Pr Maria-Grazia Albano - Foggia
Deccache C, Albano MG, de Andrade V, Crozet C, d’Ivernois JF.
La prévalence élevée des maladies chroniques dans les pays occidentaux s’accompagne d’une croissance simultanée de la pluripathologie. Parmi les différentes interventions, l’éducation thérapeutique (ETP) a acquis une importance grandissante, mais la plupart des programmes d’ETP concernent encore la mono pathologie. Le but de cette étude a été d’apporter une illustration récente et une analyse des caractéristiques des pratiques d’ETP pour des patients pluripathologiques à partir d’une revue de la littérature de 2004 à 2013.
Cette revue de la littérature a confirmé qu’une ETP pour patients pluripathologiques est possible et qu’elle apporte quelques résultats positifs pour les patients. Cependant, il n’existe pas encore de modèle opérationnel d’ETP convaincant pour ce type de patients.
Pause
Le patient « entrepreneur social » ou « manager »
Patrick Berry - Les Moutiers-en-Retz
Télécharger l'intervention (PDF)Thème 2
Regards croisés sur la pluripathologie
Vivre avec plusieurs maladies
M. Philippe Woll - Cunfin
Étant porteur de plusieurs maladies chroniques, je suis une personne “pluripathologique”. L’association de différentes maladies me conduit à attribuer des priorités de soins selon ma compréhension de leur survenue, des effets indésirables des traitements et des répercussions de chacune d’entre elles dans ma vie familiale et sociale. J’aimerais expliquer en quoi consiste cette priorisation à partir de mon expérience.
Regarder l'interventionEntre éducation thérapeutique et “les soins aux porcelets” il va nous falloir choisir !
Dr Dany Baud - Paris
Consultations éclairs parce que surchargées, lobbying sans limites de l’industrie de la “santé”, recommandations sous influences, associations de malades orphelins sponsorisées par des médicaments adoptifs, tarification à l’activité, surveillance des patients et observance opposable, dépistages injustifiés, sur diagnostics et sur traitements, corruption des élites et des décideurs politiques... Est-il encore possible d’envisager sérieusement une éducation thérapeutique dans les conditions actuelles de l’exercice de la médecine ?
De fait les patients sont devenus de simples unités de production et constituent finalement le carburant nécessaire à la survie des institutions et des soignants sans arrêt soumis à des évaluations financières et économiques. Moins il semble possible d’assurer des soins artisanaux centrés sur le patient, plus la médecine de masse, de type industriel, s’impose comme ce modèle productif s’est déjà imposé dans d’autres secteurs, notamment dans celui de l’élevage, véritable paradigme de ce “New Management”. Dans de telles circonstances, il n’est pas étonnant de voir que moins il y a de place et de temps pour elle, plus l’éducation thérapeutique se trouve convoquée pour redorer le blason d’une discipline en perdition où consommation et optimisation des gains deviennent les principales préoccupations des acteurs. Cette situation n’est pas sans rappeler ce que sont “les soins aux porcelets” dans les élevages industriels. Ainsi sous un vocable à connotation éthique et empathique confinant à la “Novlangue”, l’ETP risque, si l’on continue dans cette voie, d’être au mieux, assignée au rang des accessoires et autres applications pour smartphones strictement dédiés à l’observance ou au pis d’être transformée en “rééducation thérapeutique”.
Pourtant la médecine est un bien commun et l’éducation thérapeutique, une action juste pour l’empowerment et l’autonomie des patients que nous sommes ou que nous serons tous. Est-il possible dans un système sous perfusion ou chacun compte avec anxiété ses ressources, d’interrompre cette course aussi folle que mortifère et d’œuvrer pour une médecine durable et soutenable ? Cela ne se fera pas sans prise de risque et le courage de dire “Non !” Alors, je pense qu’à l’exemple de certains, dans d’autres secteurs de l’activité humaine, le temps est venu de dire “Non” et de choisir entre “les soins aux porcelets” et l’éducation thérapeutique.
On peut avoir plusieurs pathologies, mais on n’a qu’une santé
M. Philippe Barrier - Paris
Comment vit-on, se soigne-t-on, s’éduque-t-on à ses maladies, lorsqu’on est un patient pluripathologique ?
Répondre à cette question, c’est en poser plusieurs autres :
- La pluripathologie est-elle plus pathologique que l’ensemble des pathologies qui la composent ?
- Comment combiner des traitements qui entrent parfois en contradiction les uns avec les autres ?
- Faut-il soigner davantage la pluripathologie que les pathologies qui la composent ?
Ces questions étant pratiquement des apories, c’est dans l’examen de la nature et de l’identité du patient pluripathologique qu’on en trouvera peut-être des réponses. La complexité qui le caractérise est-elle seulement due à la coexistence simultanée en lui de plusieurs pathologies ? La pluripathologie n’est-elle pas le paradigme de la complexité du patient et de son identité individuelle, qui ne se résume pas à une unité d’existence ? L’éducation thérapeutique, dans sa généralité, devrait pouvoir tirer des leçons d’une telle manifestation de l’irréductible complexité du patient.
Regarder l'interventionFondements d’une disposition au soin
Pr Alain-Charles Masquelet - Paris
La polypathologie affectant un même patient pose à la fois le problème de la représentation de la maladie et de sa prise en charge thérapeutique, laquelle s’effectue trop souvent sur un mode relevant de la fragmentation.
Sont discutés dans cet exposé les malentendus qui font obstacle à une réelle disposition au soin mais aussi les pistes qui permettent, au delà d'une posture organiciste, de conforter le médecin dans sa mission soignante.
Thème 3
Parcours de soins et d’éducation à l’épreuve de la pluripathologie
Éducation thérapeutique et soins de premier recours : enjeux, méthodes et résultats attendus
Dr Thomas Cartier - Gennevilliers
L’augmentation continue de la prévalence des pathologies chroniques et leur corollaire, la polypathologie, mettent au défi l’organisation des systèmes de soins, principalement adaptés jusqu’ici à la résolution de problèmes de santé courts et limités dans le temps. Les soins de premier recours sont au cœur de cette problématique, assurant accessibilité, continuité et coordination des soins autour du patient atteint de maladie(s) chronique(s). Les pratiques éducatives ou le regroupement en équipes pluriprofessionnelles font partie des innovations qui sont susceptibles d’améliorer la réponse des soins de premier recours à la transition épidémiologique. Nous nous attacherons au cours de cette communication à étudier le développement en France de ces nouveaux modes de pratique en soins de premier recours.
Regarder l'interventionExpériences de prise en charge éducative de patients “polypathologiques” en Aquitaine au sein de structures d’ETP de ville
Mme Véronique Debande et Mme Valérie Griffe - Bordeaux
Pour répondre aux besoins du patient dans le cadre d’une prise en charge globale de son contexte de santé, les équipes d’ETP de ville ont souhaité réfléchir et mettre en place de nouveaux modèles pédagogiques.
Nous présenterons deux expériences qui partagent une vision commune de l’éducation Thérapeutique du Patient présentant plusieurs pathologies chroniques.
Pour fonder ces nouveaux modèles, nous aborderons d’une part, la nécessité de la mise en place d’une nouvelle organisation d’équipes, d’autre part, nous démontrerons que ces nouveaux modèles doivent pouvoir s’adapter en continu à l’évolution du contexte polypathologique.
Nous discuterons ensuite des avantages liés à la mise en œuvre de ces nouveaux modèles ainsi que des contraintes rencontrées.
Patient polypathologique et parcours éducatif : vers un nouveau fonctionnement interdisciplinaire ?
Dr Xavier de la Tribonnière - Montpellier
Le patient polypathologique, qu’il soit atteint de plus de deux pathologies chroniques distinctes ou d’une pathologie index et de comorbidités chroniques évoluant pour leur propre compte, requiert une prise en soin complexe. Les compétences à acquérir et les besoins d’accompagnement diffèrent de celles de chaque pathologie prise séparément. Le patient doit pouvoir intégrer les relations de gestion entre les différentes maladies dont il est affecté.
Dans son parcours éducatif, le patient polypathologique connaît des acteurs variés et en plus grand nombre qu’en cas de mono pathologie. Ceux-ci ont les caractéristiques suivantes : ne se connaissent pas forcément, éloignés géographiquement, a priori sans culture commune en ETP, sans coordination claire, sans réunions physiques, communiquant lentement et difficilement, construisant leurs liens entre eux sans les patients, ayant des discours parfois incohérents... La notion d’équipe portant un programme d’ETP disparaît pour donner place à un groupe d’acteurs sanitaires et sociaux. De ce fait, le fonctionnement interdisciplinaire entre ces acteurs devient plus difficile à trouver. Parmi les critères d’interdisciplinarité pouvant varier dans ce contexte, on note l’intensification des liens entre les acteurs, l’amélioration de la communication, la meilleure connaissance de chacun et de ses rôles, l’augmentation du niveau de formation en ETP, la mise en place d’une coordination. Le groupe peut devenir une équipe informelle dont le vecteur principal est le patient lui-même. Le coordinateur du processus éducatif est logiquement le médecin traitant. La communication devient intersectorielle. La traçabilité peut être favorisée par le numérique et surtout le patient lui-même. Les places du pharmacien et des paramédicaux de ville sont à souligner. Les formations initiales et continues en ETP amènent à terme une culture commune.
En somme, pour aboutir à un fonctionnement interdisciplinaire dans le parcours éducatif du patient polypathologique devenu nomade, celui-ci doit jouer un rôle central, comme celui de son aidant : il devient porteur de cette interdisciplinarité. Sans se substituer au rôle des soignants, il est conduit à leur rappeler les enjeux en terme clinique et de qualité de vie de la polypathologie. Il transforme ainsi le groupe de professionnels en équipe virtuelle. Des compétences transversales particulières du patient sont alors requises. Dans ce nouveau modèle, la triade médecin traitant, pharmacien et paramédical de ville aurait une place centrale.